Ils avaient merdé. Ils ne s'étaient pas rendus compte qu'ils courraient droit dans un guet-apens et pour cause, ils traitaient avec des clients connus, loin d'être dangereux, leur semblait-il. Ne jamais croire en quiconque. Ils étaient parvenus à s'exfiltrer, perdant un livreur et une cargaison complète d'armes, et Mal vociférait sous son bras, alors  qu'il tentait de le traîner jusqu'à l'hôpital. Il avait le nez pété, au vu de sa gueule, et certainement la jambe touchée - il se traînait, et seule la prise de Cal l'empêchait de s'effondrer tout à fait au sol. « You have to go get fixed. We'll have them after that. » Ils pénétrèrent le hall des urgences sous les regards surpris des quelques personnes présentes ici - la soirée était déjà bien avancée et apparemment, hormis un trafic tournant mal, il y avait peu de clients pour les médecins de garde. Tonitruant à qui voulait bien l'entendre, il demanda à Mal de baisser un peu le son alors qu'une soignante les installait dans un box.

Il guettait l'arrivée d'un médecin à qui il pourrait parler avant toutes choses - ne pas les enregistrer, ne pas les noter nulle part, passer sous silence leur passage: les menacer au besoin. Triturant la manche de sa veste, il sortit de la chambre où Mal était occupé à maugréer et il referma la porte derrière lui. Les infirmière s'occupaient un peu partout mais semblaient vouloir déserter leur box. Aussi, il pris les devants et se tourna vers le bureau dans lequel les blouses blanches semblaient aller et venir à tout moment, conscient qu'il devait en dire le moins possible, tout en en demandant le plus possible.

Il jetait des coups d'œil de toute part et était éberlué par ce qu'il voyait ; ça courait partout, des hommes hurlaient leurs ordres à des infirmières débordées, des pleurs entendus ici et là, des enfants qui s'endormaient dans les sièges de la salle d'attente, et des soignants aux poches sous les yeux, cette odeur de produits ménagers, cette ambiance immaculée, c'était trop pour lui, vraiment trop.

Il se secouait les idées, l'envie de boire un grand verre pour faire passer l'énervement et le goût de la traîtrise quand une jeune femme apparut devant lui. « hello, are you a doctor ? »

@Diane Butler
[crédit; mixa]

Elle n’avait pas arrêté depuis le début de son service. Il y avait des soirs comme ça où tout le monde semblait s’être donné rendez-vous à l’hôpital. Aux urgences, même. Nombre d’entre eux étaient renvoyé rapidement car un rhume ou encore une alcoolémie trop élevée ne constituait pas des urgences immédiates. Elle aimait bien être partout, Diane, parce que ça lui évitait de penser que lorsqu’elle rentrerait chez elle, elle serait seule. Faire des journées, ou des soirées de travail, c’était la même chose. Le même combat. Le même quotidien ; il y avait juste les patients qui changeaient. Elle aimait bien leur offrir un sourire, un mot encourageant pour les plus jeunes et les moins jeunes. Diane aimait se sentir utile, sentir qu’elle n’existait pas pour rien et ce travail était fait pour ça. Souvent, elle finissait ses nuits lessivées mais avec un sourire aux lèvres.

Et cette nuit ne dérogeait pas à la règle. Après avoir aidé un médecin dans l’exécution de ses tâches, après avoir nettoyé la plaie d’un jeune garçon et l’avoir rassuré, elle décida de se prendre une petite pause. Elle le méritait bien, elle qui n’en prenait quasiment jamais. Ou de très courtes pauses. Quand il fallait reprendre, elle était souvent la première, Diane, à se relever pour y aller. Un jour, ce métier la tuera, mais pas aujourd’hui. S’installant confortablement sur la chaise, un café à la main, elle soupira au vu de la sensation que le repos lui procurait. Ses jambes la remercièrent et elle put souffler. Un peu. L’ambiance était bon enfant de ce côté-ci de la pièce. Il le fallait bien, pour pouvoir souffler et penser à autre chose. Elle écoutait distraitement ses collègues, perdue dans ses pensées.

Lorsque vint le moment de reprendre, elle se releva sans mot dire et reposa sa tasse dans l’évier. Elle la laverait plus tard, juste avant de rentrer chez elle. Comme toujours. La routine n’était pas toujours une mauvaise chose. Diane sortit de la salle et se dirigea vers les boxs, passant une tête par ici, une tête par-là, offrant son aide lorsqu’on le lui demanda. Habituée au bruit ambiant, elle n’entendait plus les pleurs ou les personnes alcoolisées, et encore moins leur chef qui semblait toujours aussi rouge de crier des ordres. Diane, elle savait ce qu’elle avait à faire. Elle ne se formalisait plus avec tout ça et exécutait son travail.

En revenant vers la salle de pause, elle faillit foncer dans quelqu’un. Grand, mince, au regard assez hypnotisant pour qu’elle ne puisse pas ne pas le noter. Il avait un charme certain mais ce n’était sans doute pas pour ça qu’il était là. Il lui demanda si elle était médecin. Elle aimerait bien, mais les études étaient longues et surtout, elles coutaient chères ; Diane avait toujours un pied dans la réalité avec son crédit à rembourser.

« Bonjour, Monsieur. » commença-t-elle avant de secouer la tête. « Je suis infirmière, mais je peux peut-être vous aider ? »

Forcément, vu l’endroit où il se trouvait, il avait sûrement besoin de quelqu’un du corps médical. Peut-être devrait-elle appeler un médecin ? Elle lui offrit un sourire chaleureux en l’invitant à lui dire ce qu’elle pouvait faire pour lui.

@Cailean Graham
[crédit; moonsister]

Il avait le coeur qui battait toujours frénétiquement de la violence de ce qu'ils avaient vécu et de la rage qui s'était infiltré en lui. C'était trop, trop de colère, trop de grondements, et il n'avait qu'une envie, comme Mal, les retrouver, leur faire la peau. Il ignorait combien de temps il garderait cette haine en lui, mais il savait qu'elle continuerait de battre à lui tant qu'il ne l'aurait pas étanchée, à grands coups dans leurs tempes. Il y avait peu de choses qu'il craignait, et les douleurs infligées aux autres ne l'impactait pas. Ils trouveraient vengeance, sitôt Mal remis sur pied. La jeune femme qu'il venait d'intercepter tourna vers lui un regard étincelant et un sourire qui ne l'était pas moins et il en fut un instant déstabilisé. Personne n'agissait comme cela, souriant aux inconnus, diffusant de la bonne humeur dans un couloir sordide d'un service d'urgences surpeuplé. Il se méfia d'elle, dès les premiers instants de leur rencontre. « yeah, you sur'ly can help. the patient in this box needs your help. but... i'm asking you for discretion. »

Ce n'était pas leur premier passage par ici, ils n'étaient pas coutumiers du fait mais il y avait toutefois des chances pour qu'ils puissent bénéficier du même traitement que la dernière fois - inscrit sous un faux nom, un de leurs livreurs avaient reçu des soins rapides et avait pu quitter l'établissement une petite heure plus tard. Il n'aurait aucun mal à menacer l'infirmière si elle ne comprenait pas bien ce qu'il lui demandait, cela non plus, ça ne l'inquiétait pas. Il avait depuis longtemps accepté le fait que son âme était vouée aux plus sombres cercles des enfers alors, plus rien ne l'inquiétait actuellement et le bien et le mal étaient deux notions qui se mélangeaient presque tout à fait lorsqu'il y songeait, vaguement, après deux verres. « maybe you can fix him and we'll be out of your box. it'd be like you never saw us. but I need to trust you for that so, are you going to work with us, nurse...? » Regard descendu sur ses formes discrètes où trônait un pin ridicule "i'm here to help you :) " et d'où son prénom était absent.

@Diane Butler
[crédit; mixa]

L’homme ne semblait pas fort commode. Méfiant, distrait, son regard se perdait sur les hommes et les femmes traversant le couloir. Diane ne pouvait que remarquer les rides d’inquiétude sur son front et elle se demanda un instant si quelque chose de grave ne s’était pas passé dans l’un des boxs. Ou pour l’un des patients attendant dans un box. Diane tentait d’être la plus douce possible et de lui offrir un sourire réconfortant, mais cela ne semblait que lui procurer de la méfiance à son égard. Elle se pinça les lèvres en croisant son regard bleu tandis qu’il lui parlait de discrétion.

Diane fronça les sourcils. Comment ça, discrète ? Pourquoi devrait-elle être discrète ? Qui était le patient qu’elle devrait traiter ? Quelqu’un d’important ? Ou était-ce quelqu’un d’important mais d’un autre genre ?

« Ma discrétion ? Pourquoi ? Que se passe-t-il ? »

Elle ne put s’empêcher de demander tout en comprenant qu’il ne lui répondrait sans doute pas. Diane réfléchissait rapidement en se demandant comment elle allait se sortir de cette situation. Et en même temps, elle savait aussi qu’un patient attendait d’être soigné. Elle ne pouvait pas le laisser comme ça. Même si la personne en question semblait être plutôt inquiétante. L’homme devant elle se fit plus menaçant, du moins, c’est comme ça qu’elle le sentait. Une menace à peine voilée, une urgence, une discrétion qu’elle finirait sûrement par regretter.

Diane capta les prunelles de l’homme qui la détaillait. Soupirant discrètement, elle croisa les bras un instant en se demandant si elle allait accepter. Tout en sachant qu’elle accepterait de toute façon ; elle ne pouvait décemment pas laisser quelqu’un en souffrance, qui que ce soit.

« Diane. » dit-elle simplement. « Je vais vous aider. »

Plus vite ils seraient dehors, et plus vite elle les oublierait. Elle laissa l’homme la précéder audit box et y entra. L’homme assit sur le lit d’hôpital portait une aura qui la laissait inquiète. Il semblait furieux et grommelait des choses qu’elle ne chercha pas à comprendre. Elle vit le nez gonflé et plein de sang et vit également du sang sur l’une des jambes.

« Allongez-vous et posez ça sur votre nez. »

Elle lui donna une poche de froid et le regarda s’allonger non sans râler. Diane releva avec douceur la jambe du pantalon pour y trouver une plaie par balle qui semblait plus superficielle que dangereuse. Elle s’arrêta un instant. Diane se sentait tout à coup piégée dans ce box avec ces deux hommes qui voulaient que les soins soient rapides et discrets. Elle croisa le regard de celui qui n’était pas blessé et se redressa. Diane ne se sentait pas en confiance et pourtant tentait de paraître aussi douce et accommodante que possible.

« C’est superficiel. » dit-elle en se détournant pour ne pas le regarder en face. Elle n’avait pas souvent de patient avec des blessures par balle. « Vous n’êtes pas blessé, vous ? »

Demanda-t-elle, presque innocemment en prenant le matériel nécessaire pour nettoyer la plaie et la refermer.

@Cailean Graham
[crédit; moonsister]